Dix considérations en tant que médiateur agréé pour les conflits générationnels dans les entreprises familiales.
Un chiffre : 16 % des entreprises familiales prévoient un transfert à la génération suivante dans les dix ans. C’est la conclusion d’une enquête menée par la banque Belfius auprès de 45 000 entreprises familiales en 2021. Parmi les entreprises qui attendent un transfert, quatre sur cinq risquent des problèmes. Dans notre pays, l’importance socio-économique des entreprises familiales est énorme. En Belgique, près de 80 % des entreprises sont des entreprises familiales.
Dans le cadre d’une succession ou d’un transfert, il existe divers éléments de nature juridique, fiscale et financière, ainsi que des défis sur le plan relationnel, émotionnel et psychologique. Et la combinaison de tout cela entraîne souvent des tensions et des conflits lors d’un transfert ou d’une succession. L’impact de ces derniers ne doit pas être sous-estimé et, s’ils ne sont pas traités correctement, ils peuvent causer de graves dommages. Faire appel à un médiateur pour la résolution des conflits, et de préférence la prévention des conflits, peut vraiment faire la différence ici.
Le médiateur est une tierce personne neutre et indépendante qui possède les qualifications nécessaires pour guider la communication et les négociations entre les parties. Le médiateur travaille sur la base des intérêts réels et soutient les parties afin de parvenir à un résultat mutuellement acceptable et partagé.
Le rôle du médiateur est de soutenir et de faciliter les parties. Mais la solution doit venir des parties elles-mêmes. En tant que médiateurs, nous ne devons pas proposer nous-mêmes des solutions. Il s’agit de poser les bonnes questions. Les questions permettent de progresser.
Zoomons maintenant sur des exemples concrets que nous avons expérimentés chez FB-Mediation dans un rôle de médiateur agréé dans des entreprises familiales.
Nous nous appuyons sur des exemples de transfert de parent à enfant et plus particulièrement dans nos exemples de père à fils/fille (ci-après dénommés « les parties ») et essayons de trouver certaines similitudes et de tirer des conclusions communes à partir de ces exemples :
Avant le début d’une médiation, il n’y a pas de communication. Les membres de la famille ne se parlent que de ce qui est strictement nécessaire et toutes les questions fondamentales sont évitées. Une vie parallèle est établie. Sur le modèle d’escalade de Glasl, on se retrouve au niveau des discussions acharnées, de la violence intellectuelle et des actions attendues. Une conclusion gagnant/gagnant est donc toujours possible car il n’y a pas de perte de face ou de menaces.
Le processus de médiation a l’avantage de rouvrir la voie de la communication.
Présenter et expliquer un protocole à signer fait réfléchir les parties sur le sérieux et le professionnalisme de la démarche. Ils se plient également au processus et acceptent les règles de la médiation. L’accent est mis sur les règles de communication, la situation initiale et l’objectif final. On y fait référence plus d’une fois lorsque des mots difficiles sont prononcés.
Le fait qu’aucune des parties ne se demande si elle a une vision complète de la situation et du problème reste un mystère. Ils continuent à fonctionner sur la base d’interprétations et d’hypothèses. Il n’y a aucune initiative pour s’arrêter et s’attarder un moment.
Le processus de médiation commence par l’écoute des points de vue de chacun sur le problème, mais aussi des émotions et des sentiments de chacun. Le Médiateur donne et prend la parole. Au début, il y a une écoute forcée. Les points de vue et les conflits sont listés sur un tableau.
La pression exercée par le fils/fille pour aller « rapidement » vers une succession/un transfert est énorme. La contre-pression exercée par le père pour résister avec des arguments rationnels et émotionnels est également élevée. Pression/contre-pression, comment le médiateur peut-il se sortir de cette situation ? Réduire la pression des deux parties est la première priorité du médiateur.
L’écoute, en donnant la parole à chacun des participants à un rythme alterné, est un bon outil. Cela apporte calme et confiance à un processus.
Les intérêts hautement émotionnels finissent alors par prendre le dessus. L’impression est que chacune des parties entend cela pour la première fois, mais qu’elles écoutent enfin.
En outre, les intérêts sont classés en intérêts contradictoires, compatibles et parallèles. Cela aide énormément par la suite, pour trouver et regrouper les options.
Dans ce processus, il est très important de laisser des jours ouverts entre les sessions pour laisser le temps de s’imprégner et de trouver de nouvelles idées. Ceci est particulièrement important lorsque l’on passe des intérêts aux options/solutions. La première question entre les sessions est toujours : comment vous sentez-vous et les points énumérés ont-ils été bien compris et surtout bien accueillis ?
Tout aussi curieuse est la demande des deux parties d’avoir des discussions séparées (caucus) entre les sessions. Le caucus est un outil puissant, mais ne doit pas être utilisé à mauvais escient par le médiateur. La neutralité est le mot d’ordre ici, certainement pas un moment d’influence pour transmettre les pensées d’une partie à l’autre.
En tant que médiateur, vous êtes tenu au secret professionnel. Ce qui est dit dans la médiation est donc confidentiel. Il est extrêmement important que les membres de la famille concernés aient la possibilité de mettre les choses sur la table et d’en discuter en toute confiance. L’astuce consiste ici à prendre de la distance et à comprendre si les informations données, par exemple lors d’un caucus, contribuent effectivement à des solutions. Le médiateur, dans le respect de la partie, devra analyser si cela contribue ou non à une solution.
10. Le pouvoir du support visue
Plus la méthode est simple, mieux c’est ! Toutes les déclarations sont répertoriées manuellement et classées sur un tableau. Cela reste un outil puissant pour susciter l’attention et la réflexion. Il est vraiment surprenant de voir comment les parties regardent constamment le tableau et en extraient des idées et des réflexions.
Heureusement, les conflits dans l’entreprise familiale ne prennent pas toujours de telles proportions. Mais les conséquences de conflits non résolus peuvent être désastreuses, tant pour l’entreprise que pour les relations au sein de la famille, et ce souvent sur plusieurs générations.
Lors de la prise de décisions commerciales importantes, il est très important que les relations au sein de la famille ne soient pas perturbées. De nombreux intérêts sont en jeu. Les membres de la famille entrent souvent en conflit entre les intérêts de la famille et ceux de l’entreprise. Les différences générationnelles peuvent également jouer un rôle. Faire appel à un médiateur reconnu, qui prendra en compte les intérêts de toutes les parties concernées, peut résoudre de nombreux problèmes.
Lorsque le processus de médiation est terminé, un protocole de clôture est établi. Cela donne de la force pour la mise en œuvre ultérieure de la décision et peut être le premier pas vers la création d’une charte familiale. Il est positif que les parties demandent ensuite la présence du médiateur lors des premières étapes de la mise en œuvre. C’est donc un signe de confiance !
Roland De Wolf
Médiateur certifié en matière de médiation familiale et commerciale